top of page

Transition numérique-verte  et mutations techno-économiques

Collabs_FR

Aborder les évolutions économiques dans la longue durée permet de donner corps à l’idée de mutations techno-économiques, et de mieux comprendre celles qui sont en cours.

 

Les systèmes techno-économiques

 

Un rapide retour sur l’économie « industrielle » est utile, qui nous rappelle que les évolutions technologiques ne se produisent jamais de façon isolée. C’est le sens de la notion de systèmes technologiques mise en avant par Christopher Freeman, Frank Geels, et d’autres économistes que l’on a dits « néo-schumpeteriens ».

 

Un exemple parlant est celui des produits surgelés dans les années soixante et soixante-dix. Ceux-ci n’auraient jamais pu se développer sans l’apparition du congélateur, ses différents composants, les emballages dédiés, ou de nouveaux produits alimentaires. Ce qui n’aurait pu survenir sans l’adaptation de toutes les chaînes de  valeur : fournisseurs de composants et pièces détachées, distribution d’électroménager, entreprises de maintenance, vente de produits surgelés. Les facteurs sociaux ou les modes de vie ne sont pas étrangers à ce type de changements. Mentionnons par exemple la diffusion de la société de consommation, la généralisation de la voiture, ou encore une aspiration à une cuisine plus rapide.

Les cycles techno-économiques

S’appuyant sur ces systèmes technologiques, l'économiste Carlota Perez a mis au point la théorie des « grandes vagues de développement », qui suggère l’existence de véritables paradigmes techno-économiques dont la mise en place se fait en deux temps : installation et déploiement.

L’installation de l’ère du pétrole et de la production de masse (voiture individuelle, généralisation de la ligne d’assemblage, consommation de masse, plastique) a commencé au tout début du XXème siècle avec notamment l’invention de la voiture individuelle par Henry Ford. Son déploiement et les immenses opportunités de croissance économiques en découlant n’ont eu lieu qu’à partir des années 1940 et 1950, d’abord aux Etats-Unis, puis dans le reste des pays industrialisés et du monde.


La généralisation du congélateur dans l'après-guerre a ainsi créé des marchés considérables pour les distributeurs de produits surgelés, les fabricants d’emballages, les fournisseurs de pièces, toute une industrie agro-alimentaire spécialisée, pour n’en citer que quelques-uns.

Les entreprises se sont peu à peu adaptées aux nouvelles réalités techniques et économiques, et ont pleinement profité des débouchés commerciaux. L’ensemble de la société a également évolué en fonction du nouveau paradigme : adaptation des infrastructures, apparition de nouvelles compétences, généralisation des voitures individuelles, du plastique et de tous les biens de consommation afférents, à titre d'exemple.

Perez identifie cinq cycles techno-économiques différents depuis la fin du 18ème siècle (malheureusement disponible seulement en anglais).

Le paradigme « numérique-vert »

En ce qui nous concerne, le paradigme en cours est celui des technologies numériques, initié par l'invention du microprocesseur en 1971*. L'installation a commencé avec l’apparition de l’informatique puis d’internet, dont la diffusion dans l’économie n’a pas fini de produire ses effets. Ces technologies contribuent aussi au déploiement de l'économie verte, dont elles sont à la fois le propulseur et le « propulsé ». Ce qui donne naissance à un paradigme numérique-vert*, dont nous sommes en train de vivre la transition, entre les phases d'installation et de déploiement.

De très nombreuses filières vertes s'appuient sur le numérique : agriculture biologique et connectée, énergies renouvelables et sobriété énergétique, économie circulaire et réduction des déchets, villes intelligentes, applications de partage de véhicules ou d’orientation dans les transports en commun, et tant d'autres. Dans le même temps, les filières vertes participent au déploiement du numérique à toute l'économie. Lorsque se mettent en place des plateformes de revente de matériaux de construction ou de recensement des matières usagées avant recyclage/réemploi, les utilisateurs (acheteurs et fournisseurs) adoptent ce fonctionnement, qui fait à son tour émerger des plateforme équivalentes, dans le même secteur ou non. De même, la production de masse et les nouveaux modes de vie d’après-guerre se sont mutuellement nourris.

Les organisations sont en train d’opérer leur mutation et de s'aligner avec le paradigme numérique-vert, à des vitesses certes variables. Cela concerne les produits et les modes de production, les infrastructures, les compétences, les fournisseurs, les cadres légaux, les modes de vie, lesquels s'assemblent et s'auto-alimentent, générant d’innombrables synergies et externalités.

*Cette découverte étant bien sûr due à de nombreux travaux et programmes de recherche antérieurs.

**Carlota Perez ne mentionne pas la transition verte dans le graphique précédent mais elle le fait dans ses travaux ultérieurs (malheureusement seulement en anglais).

 

Conséquences pour l'économie verte et circulaire

 

Les projets d'économie verte ou circulaire tirent ainsi leur force du paradigme en cours, notamment en termes de capacités et compétences. Ces renforcements peuvent se produire via les clients, les fournisseurs, ou encore les confrères et concurrents. Les projets peuvent aussi bénéficier des mutations numériques en cours, s'alignant avec elles.

S’insérer dans voire participer à ce déploiement est désormais une obligation pour les entreprises, les pouvoirs publics et les territoires. Les premiers à le faire ou l'avoir fait en tirent les bénéfices les plus conséquents.

Par exemple, lorsqu'une entreprise du BTP décide de développer des solutions de valorisation des matériaux, sur un territoire déjà avancé sur le recyclage. Elle va bénéficier des compétences présentes localement, d'un tissu de fournisseurs adaptés et de services dédiés, de coopérations techniques ou commerciales avec les confrères actifs sur le recyclage mais pas nécessairement spécialisés sur le BTP. Elle pourra créer et consolider des compétences spécifiques avant l'apparition de concurrents directs, et occupera une position pionnière sur un marché amené à grandir… Au-delà des synergies locales cette entreprise anticipe les régulations futures (renforcement des obligations de recyclage) et planifie les coûts de mises en conformité. Elle accroit enfin sa compétitivité carbone au regard des émissions évitées par grâce à l'approvisionnement local.

C'est pourquoi Inecko adopte une vision la plus large possible des filières et écosystèmes avec une grande ouverture d'esprit sur les connexions possibles, y-compris entre secteurs a priori éloignés.

Nous encourageons une attitude très ouverte de la part des acteurs économiques et cherchons à multiplier les rapprochements (entre entreprises, entre industries). Nous les préconisons dans nos études et au cours de nos recherches, d'autant que ces interactions sont à même d'accélérer la transition numérique-verte.

Nous avons ainsi pu identifier des opportunités de collaboration innovantes entre :

  • Les industries de la pêche et du béton – pour la valorisation de coquilles Saint-Jacques en sable

  • Des carrières et un port commercial – pour la valorisation de sédiments et la recherche de nouvelles formulations destinées par exemple à l'agriculture ou aux cosmétiques

  • Le BTP et la métallurgie – mise au point d'une pelle dotée d'un malaxeur pour une opération de curage spécifique

  • Un brasseur et un futur maker space – conception d'équipements adaptés à la brasserie

  • Un supermarché coopératif et une entreprise de réemploi du BTP – transposition du fonctionnement coopératif et diffusion par là-même d'une innovation d'organisation

  • Une entreprise de compost et un fabricant d'emballages plastiques – mise au point d'emballages éco-responsables

🌿

La transition actuelle n’est pas qu’énergétique ou écologique, elle est aussi technologique et économique. Cette approche nous enseigne à quel point les mutations techno-économiques sont des tendances lourdes et qui s’inscrivent dans le long-terme. Elles deviennent inévitables à mesure que les chaînes de valeur s'adaptent et les acteurs économiques convertissent leurs outils de production, ces derniers ayant tout intérêt à le faire le plus tôt possible.

Pour aller plus loin et approfondir la succession des cycles économiques, ainsi que leurs aspects sociaux et financiers.

Anchor 1
4 stylized illustrative visuals: tools, puzzle piece, connected houses, gear / 4 visuels illustratifs stylisés: outils, pièce de puzzle, maisons interconnectées, engrenage
bottom of page